directed by Rob Rombout and Robert Cahen | 52′ | 2001 | China
« Car Canton la chinoise n’est pas un film touristique, fut-il poétique, c’est une réflexion sur les réalités urbaines, vues à travers le prisme de la culture de la Chine du sud. »
A PORTRAIT OF THE CHINESE CITY CANTON, AND ITS EIGHT MILLION INHABITANTS WHO DEAL WITH THE SOCIAL, CULTURAL AND URBAN CHAOS.
Canton is said to be the most Chinese of all cities. It is also a megalopolis with eight million inhabitants, a city gone wild, where traces of the past disappear under concrete and tarmac and where chaos rules the organisation of time and space. The protagonists – the film’s messengers – are caught between two cultures, two systems, between two conceptions of art. All of them are preoccupied by their own cultural survival, doomed to become the observer of a massive urban transformation. In this experimental documentary, the five characters form an involuntary group that must confront this mass of humanity. There is always a screen between these actors and their surroundings : a window, a photograph, a painting or a language barrier, for instance. Through the intimacy of feelings, the interpretation of signs and aimless wandering about, the film addresses the notion of what it means to be in China and at the same time not be there. Personal stories come together with images to create the vision of an incredibly mobile, perhaps imaginary city.
Canton est la ville la plus chinoise dit-on. C’est aussi une mégalopole de 8 millions d’habitants. Une ville sans limite, sans structure apparente, en perpétuelle reconstruction. Une ville déchaînée, où le chaos gouverne l’organisation du temps qui n’en est plus un.
Les réalisateurs suivent plusieurs trames pour rendre compte de cette métropole en perpétuel changement. Les travellings le long des rues ou la caméra immobile devant un flot continu de passagers, les modes de transports variés, les écrans multiples ne laissent apparaître des cinq personnages choisis, passeurs du film, que des vues particulières. Ceux-ci se situent entre deux cultures, entre deux systèmes, ou bien entre deux conceptions de l’art. Chacun est préoccupé par sa survie culturelle, condamné avant tout à devenir l’observateur d’une gigantesque mutation urbaine.
Être en Chine sans y être. Sensations intimes, signes révélateurs, déambulations… Les témoignages se mêlent aux images pour susciter la vision d’une ville incroyablement mouvante et, peut-être, imaginaire…
Diz-se que Cantão, apesar dos seus 8 milhões de habitantes, é a mais chinesa das cidades. Os protagonistas são apanhados entre duas culturas, dois sistemas e dois conceitos de arte. Todos eles estão preocupados com a sobrevivência da sua cultura, condenados a tornarem-se observadores de uma transformação urbana massiva.
« Plutôt que de tenter d’exposer les personnes et Canton dans une image figée qui se voudrait totalisante, les réalisateurs semblent avoir emprunté la voie d’une présentation laissant transparaître autant leur incertitude que celles des protagonistes. »
« Il faut savoir que Canton est pour l’homme occidental quelque chose d’incompréhensible et chaotique. »
TEXTE CRITIQUE
CANTON LA CHINOISE, par Marceau Verhaeghe
Est-ce dû à son voyage dans les différentes Amsterdam du monde (Amsterdam via Amsterdam, coréalisé avec Roger van Eck, recherche poétique et pleine d’humour sur les identités) ? Rob Rombout semble avoir décidé de nous emmener dans les villes. Résultat, ce premier film, qui doit être suivi d’autres portraits de métropoles, consacré à l’exotique Canton (en collaboration avec Robert Cahen). Exotique… ? Toutes les grandes cités ne se ressemblent-elles pas ?
C’est du moins ce qu’on se demande en découvrant, à travers la vitre mouillée de pluie d’une automobile, rythmés par le battement des essuies-glace, ces grands boulevards, ces gratte-ciels, ces entrelacs d’autoroutes urbaines, de lignes de métro et de passerelles qui s’entrecroisent sur plusieurs niveaux. Et au-delà de la monotonie architecturale, n’existe-t-il pas une certaine forme d’ « urbanité », une culture commune aux citadins qu’on retrouverait à travers le monde ? Un cantonnais n’est-il pas, d’une certaine manière, plus proche d’un bruxellois, d’un new-yorkais, d’un tokyote, d’un habitant du Cap ou de Rio que d’un paysan du Guangdong, cette vaste région agricole dont la grande métropole du sud de la Chine est la capitale ? Cette pensée vient immanquablement à l’esprit du spectateur en écoutant les cinq personnages que les réalisateurs utilisent comme « passeurs », pour nous aider à pénétrer quelque peu la mentalité cantonnaise.
Plutôt que de se mettre en position de dispensateurs de savoir, les cinéastes choisissent en effet de se mettre au niveau de leur public. Comme nous, ce sont des voyageurs qui débarquent. Ensemble, on commence par découvrir la ville à travers les vitres du taxi, de la chambre d’hôtel. Puis on fait des rencontres. Celle d’un diplomate français en poste là-bas, celle d’un intellectuel chinois reconverti en libraire, celle d’une jeune fille venue de la campagne et qui se construit une vie… Au-delà du béton, ce sont alors les gens qui éclairent la ville de leur regard. Ensuite, davantage familiarisé, on s’aventure dans les petites rues, les parcs, les restaurants, s’éloignant quelque peu des quartiers des affaires et du tourisme. Jusqu’au jour où, en compagnie de nos nouveaux amis, on pourra prendre le train pour une incursion dans la campagne environnante. Mais toujours, on est un étranger, quelqu’un qui côtoie, qui découvre et qui cherche à comprendre.
Les cinéastes prennent soin, de préserver précieusement cette distance, cette subjectivité. De belles images impressionnistes où la pluie, cette lumière particulière qui filtre à travers les nuages de mousson, les taches de lumière servent de filtre entre nous et la réalité brute. C’est tellement beau qu’on en vient à regretter le côté bavard des interviews, qui pourtant participent nécessairement au projet des cinéastes. On voudrait s’abandonner tout entier à l’atmosphère méridionale de cette mégalopole grouillante et trépidante. Mais le film, toujours, nous ramène dans la réalité. Car Canton la chinoise n’est pas un film touristique, fut-il poétique, c’est une réflexion sur les réalités urbaines, vues à travers le prisme de la culture de la Chine du sud. Le réalisateur indien Shekar Kappour expliquait dans une récente interview que la culture occidentale est dominée par la structure et la culture orientale par le chaos. C’est effectivement l’impression qu’on retire souvent d’un séjour dans une métropole asiatique. Canton ne semble pas faire exception, mais la ville ne perd jamais ses droits. Chinoise, japonaise, indienne, européenne, américaine, elle a ses priorités incontournables. Toujours la même et chaque fois différente. Canton la chinoise, Marceau Verhaeghe, 2003, Cinergie.be
INSPIRANTE CANTON, par L’Acadie NOUVELLE
Le documentaire Canton la Chinoise est né de la rencontre entre un documentaliste, Rob Rombout, et un artiste de la vidéo, Robert Cahen
Ce documentaire expérimental de 52 minutes est projeté mercredi soir, au Palais Crystal, dans le cadre des projections d’arts médiatiques du Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA). Le réalisateur Rob Rombout de la Belgique sera sur les lieux pour présenter son film. Canton est, semble-t-il, la ville la plus chinoise mais aussi peut-être la moins connue des Occidentaux. Le film de Rombout et de Cahen est une vue de la ville chinoise à travers le regard de cinq personnages.
« Cela reste un film impressionniste », déclare Rob Rombout au cours d’une entrevue à L’Acadie NOUVELLE.
En allant filmer la Chine, il n’était pas question qu’ils le fassent avec une grosse équipe. Les deux réalisateurs sont partis avec une petite caméra vidéo à la recherche d’images de Canton. Ils ont filmé sans autorisation.
« Il faut savoir que Canton est pour nous quelque chose d’incompréhensible et chaotique », poursuit le cinéaste d’origine néerlandaise qui vit en Belgique depuis 25 ans.
Selon celui-ci, cette ville de huit millions d’habitants n’a pas de repères et ne possède aucune structure apparente. Aux yeux des Occidentaux, c’est donc très difficile de s’orienter. « Nous, on se repère toujours. Même à Moncton [lieu de l’entretien pour cet article], je me repère par les églises, la tour de télévision. Là-bas, on n’en a pas. Eux, ils en ont mais c’est douteux parce que c’est une ville qui change tous les jours. C’est comme un champignon. C’est une ville sauvage. Tous les Chinois ont cette idée qu’ils n’ont pas besoin de préserver leurs monuments. Ils détruisent leurs monuments et construisent d’autres immeubles et surtout des autoroutes qui sont comme des spaghettis au-dessus de la ville », raconte-t-il.
La rencontre des deux cinéastes a été plutôt spéciale en raison des méthodes de travail très différentes. Robert Cahen est habitué de travailler seul. Il se laisse aller et son vrai film se fait surtout au montage tandis que pour Rob Rombout, c’est l’inverse.
« Je suis quelqu’un qui aime bien organiser et, en documentaire, je prépare tout à l’avance. De plus, je travaille toujours avec de grandes équipes de sept ou huit personnes. Comme Robert Cahen travaille seul, il n’a pas besoin d’expliquer à d’autres comment il travaille. On s’est trouvé devant un problème de communication entre deux hommes d’un certain âge. C’était assez intéressant » souligne-t-il.
En réalisant ce film, les deux cinéastes se sont donc approchés un peu de la méthode de l’autre. Tous les soirs, ils visionnaient les images et en discutaient. Ils ont filmé tout le monde et toutes les choses qui les attiraient. Mais après quelques jours de tournage, ils se sont rendu compte qu’il leur fallait des personnages. Ils sont allés voir l’attaché culturel de Canton, un personnage un peu étrange et même dramatique. Le film tourne donc autour de lui et de ses amis artistes chinois.
Rob Rombout se décrit comme un documentaliste témoin de son époque. Loin du cinéma hollywoodien, il est un grand indépendant et fait ses propres films.
« Je ne suis pas un fétichiste du cinéma. J’ai choisi le médium par hasard, j’aurais pu être musicien ou écrivain. C’est l’idée de travailler avec des éléments du réel et d’en faire une forme », mentionne-t-il.
Assez têtu, il réussit à réaliser un film par année même si ce n’est pas toujours facile d’y arriver. Rob Rombout aime bien travailler en français. Il a l’impression de s’approcher de la vision francophone du monde et d’être davantage indépendant. La Belgique, qui est un tout petit pays, est très active au cinéma.
« J’arrive toujours à faire mes films mais c’est beaucoup plus difficile qu’il y a dix ans lorsque j’avais le double du budget que j’ai maintenant », ajoute-t-il.
Rob Rombout a un autre projet de film en Chine. Il veut faire un documentaire sur la vie d’un écrivain néerlandais, Robert van Gulik, qui a vécu en Chine. Il a fait des documentaires sur divers sujets dont un sur le plus grand bateau du monde, le Queen Elizabeth II.
« Plus que le film, en tant qu’objet de communication, ce serait la représentation poétique des personnes filmées, la mise en évidence des contradictions humaines et des lacunes inhérentes tant aux être humains qu’à tous documentaires qui semblent être les moyens employés par les deux réalisateurs pour rapprocher l’occident de l’orient. »
TEXTE
AUTRE TEXTE
« Canton la Chinoise : une prise de risque. Voici deux auteurs, Robert Cahen et Rob Rombout, au style profondément affirmé, aux méthodes de travail radicalement différentes, qui décident de travailler ensemble pour tenter de saisir quelque chose de Canton, ville gigantesque, tentaculaire, sans limites, chaotique. Un pari quasiment impossible tant la ville elle-même semble une cité impossible, une cité interdite à toute image représentative ce tout ou d’une partie d’elle-même. La traversée de cet océan houleux, bruyant. d’humains (huit millions) et de béton, semble être une aventure échouée d’avance. Et pourtant, il se passe quelque chose d’extraordinaire dans ce film. »
Director Rob Rombout, and Robert Cahen | Script Rob Rombout and Robert Cahen | Editing Maureen Mazurek | Sound editing and sound mixing Gilles Marchesi | Executive producer Philippe Avril | Associate producers Arte France, Boulevard des productions, CICV Pierre Schaeffer, Images plus, Lamy films, Les films de l’observatoire, and RTBF
Original title Canton, la Chinoise | Original language French | Available version(s) Original French version | Original format video | Format 16/9 | Color À VÉRIFIER
Best Documentary Award, International Festival of Francophone Cinema in Acadia, Moncton (Canada), 2001