Être ou ne pas être
un auteur de télévision

Inter­view par Éric De Mof­faerts, pub­liée dans La Libre Bel­gique, 1998

« Pour Rob Rob­mout, filmer le Nord-express, c’est une porte ouverte sur le rêve : rêve de franchir les dis­tances sans notion de temps, rêve de filmer l’histoire au présent. »

Ce qu’en pense notre com­pa­tri­ote Rob Rom­bout, primé à Montbéliard

Nous l’annoncions fin-sep­tem­bre : un réal­isa­teur belge, Rob Rom­bout, a rem­porté le primer prix de la 4e man­i­fes­ta­tion de vidéo et de télévi­sion de Mont­béliard (Doubs) avec « Entre deux Tours ».
Rob Rob­mout envis­age aujourd’hui de réalis­er une autre vidéo sur le « Nord-Express », ce train qui fut rêvé au XIXe siè­cle par le lié­geois Nagel­mack­ers pour reli­er le nord et le sud de l’Europe. Le « Nord-Express », qui fait tou­jours le tra­jet Paris-Moscou sans change­ment de voitures aux fron­tières, est égale­ment, pour Rob Rom­bout, une porte ouverte sur le rêve : rêve de franchir les dis­tances sans notion de temps, rêve de filmer l’histoire au présent.

- Com­ment êtes-vous venu à la vidéo ?
Lorsqu’en 1979, j’ai quit­té le RITCS (l’équivalent néer­lan­do­phone de l’INSAS), la BRT n’engageait plus. Je me suis donc ori­en­té vers la vidéo et j’ai posé ma can­di­da­ture à « Canal Emploi », une télévi­sion locale à Liège très active dans le secteur du doc­u­men­taire et des émis­sions éduca­tives. Là, j’eus la pos­si­bil­ité de tra­vailler à un niveau pro­fes­sion­nel tout en gar­dant une approche orig­i­nale et créa­tive.
En fait, je suis arrivé à la vidéo par un… non-accès aux médias traditionnels.

« Pour Rob Rom­bout, un réal­isa­teur,
c’est surtout quelqu’un qui se remet en question. »

- Vous avez com­mencé votre car­rière par des com­man­des dans le cadre d’une télévi­sion com­mu­nau­taire ; cela n’a‑t-il pas con­trar­ié votre ambi­tion d’auteur ?
Je ne crois pas ou je ne crois plus au méti­er de réal­isa­teur. Il y a une sorte de mythe qui vient à l’esprit quand on par­le de ciné­ma ou de télévi­sion : on voit le réal­isa­teur comme celui qui orchestre le tour­nage, qui crie « action », etc. Moi, j’ai l’impression que le tra­vail du réal­isa­teur s’effectue avant le tour­nage. Un réal­isa­teur, c’est surtout quelqu’un qui se remet en ques­tion, qui pense aux dif­férentes manières d’aborder son sujet. Le tour­nage n’est qu’une par­tie de son tra­vail.
J’ai une atti­tude que je qual­i­fierais d’« anti-artis­tique » parce que, dès le départ, j’étais fasciné par la logique du média. Je n’avais pas envie de « créer » en télévi­sion mais de relever ce défi qui con­siste à bien réalis­er les idées des autres. Je ne par­le pas des pub­lic­ités mais plutôt de sujets qui m’étaient sym­pa­thiques comme les émis­sions éduca­tives ou les doc­u­men­taires. Dans ces domaines-là, on s’efface, on ne place pas son inten­tion d’auteur avant, mais après la bonne récep­tion du message.

« En générale, je suis sen­si­ble aux sujets du quo­ti­di­en, aux petits événe­ments de la vie où on est “entre” deux actions, “entre deux lieux”, quand on est de pas­sage, dans l’intervalle. Je trou­ve que les tra­jets en voiture ou en train, comme dans “Nord-Express” sont intéres­sants parce qu’ils révè­lent une ambiance, une atmo­sphère par­ti­c­ulières. Je recherche ces moments “per­dus” qui sont, sou­vent, les plus révélateurs. »

- En tant que doc­u­men­tariste, quels sont vos sujets de prédilec­tion ?
J’ai déjà traité du chô­mage, de l’immigration et de l’utilisation de l’ordinateur dans l’enseignement. En générale, je suis sen­si­ble aux sujets du quo­ti­di­en, aux petits événe­ments de la vie où on est « entre » deux actions, « entre deux lieux, quand on est de pas­sage, dans l’intervalle. Je trou­ve que les tra­jets en voiture ou en train, comme dans « Nord-Express » sont intéres­sants parce qu’ils révè­lent une ambiance, une atmo­sphère par­ti­c­ulières. Je recherche ces moments « per­dus » qui sont, sou­vent, les plus révélateurs.

– Par­lons enfin de la pro­duc­tion de vos vidéos : les risques financiers ont été pris par des chaînes de télévi­sion (par­mi lesquelles on compte la RTBF) mais aus­si par des struc­tures de pro­duc­tion beau­coup plus petites ?
Il faut par­ler de ces struc­tures, comme le GSARA à Brux­elles, parce qu’elles encour­a­gent à la créa­tion et parce qu’elles s’ouvrent volon­tiers à la pro­duc­tion indépen­dante.
Un bon pro­duc­teur établit un dia­logue avec le réal­isa­teur. C’est le cas de Dany Trossat, le pro­duc­teur-délégué du GSARA, qui a réus­si, dans mon nou­veau pro­jet « Nord-Express », à intéress­er des parte­naires financiers belges (le GSARA, le WIP et la RTBF), alle­mands (la ZDF) et polon­ais (l’Office des Pro­duc­teurs polon­ais), mais qui par­ticipe aus­si de près à la réalisation.

Extrait de Nord Express, par Rob Rom­bout, 1990