Pro­jet de livre
sur le ciné­ma de Rob Rom­bout.
Note d’in­ten­tion

par Marc-Emmanuel Mélon, 2021

Marc-Emmanuel Mélon est pro­fesseur à l’Université de Liège où il enseigne l’histoire et l’esthétique du ciné­ma, de la pho­togra­phie et des arts visuels. Ses recherch­es et ses pub­li­ca­tions por­tent notam­ment sur le ciné­ma, la pho­togra­phie et l’art vidéo en Bel­gique, sur l’allégorie visuelle, sur le dis­cours pho­tographique, sur la pho­togra­phie ver­nac­u­laire et sur le ciné­ma d’Alfred Hitchcock.

« Pour Rob Rom­bout, faire du ciné­ma revient tou­jours à faire œuvre. »

Étant enten­du que tout film de fic­tion a sa part doc­u­men­taire et tout film doc­u­men­taire sa part de fic­tion, il reste, pour sor­tir le débat de la con­fu­sion qu’il sus­cite, à exam­in­er les mul­ti­ples modal­ités de cet échange.

Le ciné­ma de Rob Rom­bout, qui ne s’inscrit pleine­ment dans aucune des deux caté­gories mais se situe dans l’intervalle très large qui les sépare, se prête par­ti­c­ulière­ment à cet exa­m­en. Pour ce cinéaste vivant à Brux­elles mais voy­ageant et tra­vail­lant sur tous les con­ti­nents depuis trente ans, réalis­er un film ne con­siste ni à con­stru­ire un univers né de son imag­i­na­tion ni à capter une réal­ité quel­conque der­rière laque­lle il s’effacerait, mais à rassem­bler des frag­ments épars de réal­ité à la façon d’un pêcheur rap­por­tant dans son filet des pois­sons de toutes espèces, et à les dis­pos­er à sa guise sur l’étal de son film.

Chaque film de Rob Rom­bout est un voy­age sur une dis­tance qui peut être longue (par­fois aux antipodes), au cours duquel le cinéaste mul­ti­plie les ren­con­tres avec des gens qui racon­tent leur his­toire. Cer­tains expri­ment avec fierté le bon­heur d’avoir vécu la vie qu’ils voulaient, tan­dis que d’autres témoignent des dif­fi­cultés ren­con­trées à vouloir échap­per aux con­traintes de l’existence, qu’elles soient matérielles, sociales, raciales, affec­tives ou cul­turelles. Tous ont fini par accepter leur sort. Ces micro-réc­its de vie qui ques­tion­nent la thé­ma­tique récur­rente du des­tin et de la lib­erté s’inscrivent dans un dis­posi­tif établi a pri­ori par le cinéaste pour nouer des  liens entre tous ces frag­ments. Il y a le film « corde à linge » qui tend un fil entre deux pôles et y accroche les réc­its divers de quelques voyageurs ; le film « den­telle » qui entrelace ses mailles entre plusieurs per­son­nages qui ne se con­nais­sent pas ; le film « étoile » dont chaque branche est asso­ciée à un point cen­tral auquel le film revient à inter­valle réguli­er ; le film « con­stel­la­tion » qui, sur un ter­ri­toire par­fois aus­si vaste qu’un con­ti­nent, des­sine une fig­ure imag­i­naire entre des lieux choi­sis arbi­traire­ment, qui n’ont d’autres rap­ports entre eux que le fait de s’appeler « Amsterdam ».

« D’une inten­tion artis­tique aus­si affir­mée qui intè­gre des frag­ments de réel dans des archi­tec­tures savam­ment con­stru­ites nais­sent des films “de style doc­u­men­taire” répon­dant tou­jours à une exi­gence artis­tique qui prime sur les réal­ités filmées autant que sur le dis­cours que le cinéaste leur porte. »

D’une inten­tion artis­tique aus­si affir­mée qui intè­gre des frag­ments de réel dans des archi­tec­tures savam­ment con­stru­ites nais­sent des films « de style doc­u­men­taire » (comme qui le dis­ait Walk­er Evans à pro­pos de son tra­vail pho­tographique) répon­dant tou­jours à une exi­gence artis­tique qui prime sur les réal­ités filmées autant que sur le dis­cours que le cinéaste leur porte. Pour Rob Rom­bout, faire du ciné­ma revient tou­jours à faire œuvre.

Le livre adopte une struc­ture aus­si diver­si­fiée que le ciné­ma de Rob Rom­bout. Un pre­mier texte envis­age glob­ale­ment les enjeux esthé­tiques de l’œuvre. Suiv­ent ensuite les analy­ses appro­fondies d’une dizaine de films majeurs, illus­trées de pho­togrammes et de pho­tos de repérage et com­plétées par des inter­ven­tions du cinéaste qui, inter­rogé par Guy Jung­blut, détaille une mul­ti­tude d’aspects de son tra­vail en ter­mes de pro­duc­tion, de méth­odes et de choix stylistiques.

L’ouvrage est, par ailleurs, émail­lé de codes QR qui don­nent accès à des extraits de films.

Une courte biogra­phie et une fil­mo­gra­phie le complètent.

Extrait de Joost de Vries, par Rob Rom­bout, 2016